Ouvertures en salle d’escalade : et les pieds ils sont où ?
Escalade en salle à Lyon. Nous vivons une période formidable à Lyon en ce mois de novembre : pas une semaine ne s’écoule sans qu’une nouvelle salle de bloc indoor ouvre ou qu’une autre change de nom. Pas de doute, si vous êtes en demande de grimpe, l’offre est là. Mais quand est-il de la qualité de l’escalade proposée dans les salles lyonnaises ? Parce que côté burgers, bières et sauna, on est comblés mais côté escalade… et bien de mon point de vue, lorsqu’on paie près de 15 € une entrée, ça laisse parfois à désirer… explication.
L’une des plus grandes salles d’escalade de bloc en France vient d’ouvrir à Saint-Priest, une autre apparaît par magie au nord de Lyon, une autre encore change de nom dans le quartier confluence et rejoint une grande chaîne de l’escalade française et bientôt internationale. Parfait se dit-on, on va avoir l’embarras du choix de grimper sur plein de super blocs et des super voies ! Allez on y va, on teste ! 2 semaines plus tard je dois l’avouer mon avis est très mitigé sur les ouvertures dans les salles lyonnaises. C’est sûr que côté bouffe, bière, muscu et sauna ça dépote mais un truc me chagrine : “où sont les pieds ?”
L’escalade est née il y a bien longtemps en montagne, on utilisait même des cordes fixes et des échelles ! Assez récemment, la grimpe sportive, appelée aussi escalade libre, s’est développée sur des falaises et des murs artificiels et la difficulté a passé un cap important sous l’impulsion de grimpeurs comme Wolfgang Güllich ou Patrick Edlinger qui ont jeté les bases des techniques modernes de l’entrainement. La différence entre la montagne et l’escalade réside essentiellement sur la recherche de la difficulté pure en escalade en réalisant les passages en libre et sans artifices grâce à l’invention de mouvements sophistiqués pour valoriser n’importe quelle prise ou aspérité et de manière à pouvoir réaliser des efforts les plus intenses et les plus longs possibles. Dans ce jeu-là, la recherche et la valorisation des prises de pieds sont primordiales : le fait de charger son poids sur les pieds déleste les membres supérieurs et permet de retarder la fatigue musculaire des avant-bras.
Les prises de pieds ou la richesse de l’escalade
Une escalade riche en pieds est dynamique et fluide et laisse la part belle à la créativité : de nombreuses prises de pieds autorisent en effet des mouvements variés comme des transferts de centre de gravité, des rotations du bassin, l’utilisation des carres externes et internes des chaussons, de la pointe du pied, des crochetages de talon ou de pointe, des pieds des mains, voire des lolottes (à utiliser avec modération) sans parler du yaniro. Avec de nombreuses solutions pour les pieds, “ça déroule” et l’escalade est rythmée ce qui permet de réaliser des mouvements plus difficiles et plus nombreux sur les doigts. A l’inverse, sans prise de pieds, l’escalade devient saccadée, on réfléchit, on cherche, les pas d’adhérence deviennent obligatoires et on grimpe forcément “de face”, sans compter que les personnes en dessous d’une certaine taille ne peuvent pas exécuter certains mouvements sans sauter : les mouvements dynamiques ou les jetés deviennent obligatoires. L’escalade devient alors en force en utilisant les groupes musculaires du dos, des épaules, des biceps et triceps et des abdominaux plutôt que ceux des fléchisseurs des doigts et des avant-bras. En escalade, il ne faut pas avoir pratiqué beaucoup pour s’apercevoir que les groupes musculaires à faire travailler en priorité pour progresser sont ceux des fléchisseurs et des avant-bras : après un effort, on est “daubé” dans les avant-bras.
Sans les pieds… question de style ?
Au dire de certains, ouvrir avec peu de prises de pieds est un “style”. Un style du bourrinage et de la grimpe de face, un style du serrage de prise pieds à plat, un style du jeté et de la grimpe dynamique, un style qui se rapproche plus de la gymnastique, des anneaux, de la barre fixe, de ninja warrior ou du fil rouge d’intervilles, plutôt que du style original de l’escalade en falaise. Pour grimper sans les pieds, travailler les biceps et les triceps et s’amuser à tenter des jetés, il existe déja un outil génial : le pan güllich dont toutes les salles sont équipées, pas besoin d’en rajouter ! L’intérêt d’un mur est de varier les préhensions de prises et la gestuelle et de pouvoir transcrire un minimum ses progrès en salle vers le milieu naturel, en falaise ou en bloc.
A bon entendeur !
Eric
La grimpe sans pieds ou un doux souvenir du fil rouge d’interville dans les années 90s…
Milles mercis pour cet article
Je pratique la randonnée, les raquettes à neige, la via ferrata depuis 2012 (j’ai mon matos, je connais les règles de sécurité, etc…) j’avoue que je ne me sentais pas DU TOUT à l’aise d’avouer que je ne prends pas de plaisir à faire de l’escalade en salle à Lyon. Absolument pas convaincue en salles sur Lyon et gênée de dire HAUT et FORT que mes souvenirs d’enfance, l’escalade rimait avec pieds-mains, mains-pieds et que l’on progressait de prises en prises. J’aurais désormais moins de malaise à dire non je n’aime pas.
Huumm, le yaniro ne devrait pas faire parti de la liste des mouvements où il faut utiliser les pieds. C’est un mouvement que l’on utilise (oui pas souvent, je connais un bloc à Fontainebleau où cela est pas mal mais même exclusif !) quand il n’y a pas de prise de pied.
Hormis cela, et bien cela me semble une évidence, ce n’est pas dans une salle d’escalade que l’on développe sa technique de pied. Que cela soit à Lyon ou ailleurs. Il faut aller dehors pour cela.
en salle à corde je comprends totalement ce genre de critique, notamment dans des styles d’ouverture qu’on pourrait nommer “commércial” (=ça déroule agréablement) ou “rési” (=sans changement de rythme majeur). Mais en bloc, au delà du côté musculaire, plus on rajoute des pieds, surtout des bons, plus on offrira la possibilité de maitriser le mouvement sans incertitude ni “prise de risque” voir de “shunter”…et alors on perd l’intérêt de la discipline. Et au delà d’un certain niveau c’est aussi vrai en salle, si on veut mettre l’accent sur un certain “engagement” dans le mouvement on doit justement éviter au grimpeur de se retrouver calé comme il le souhaiterait, avec le pied pile à son gabarit, ni trop haut ni trop bas ni trop décalé ;). Et ne viens pas me dire qu’on n’a pas en rocher des exemples de blocs ou voies de ce type…
Tu as raison en rocher y’a des trucs bloc mais j’y vais pas 🙂 quand t’as payé (cher) une entrée pour te retrouver dans des bouses c’est plus dérangeant. La salle privée change le modèle de la pratique de l’escalade qui était avant tout associatif. Les gérants de salle ne font pas ouvrir des voies par des bénévoles donc ils ont en quelque sorte une obligation de résultats (= satisfaction client) en plus de l’obligation de moyens (= la sécurité). C’est la rançon du succès commercial.
Salut Fred, même si la falaise est un support privilégié pour découvrir de nouvelles gestuelles et une source d’inspiration pour certains ouvreurs, je pense que tu peux tout à fait découvrir les bases de la pose de pieds en salle. J’ai filé pas mal de cours à différents publics en SAE puis en falaise pour savoir qu’une bonne préparation technique en salle sur les préhensions de prise de pieds et de mains donne de bons résultats en falaise ! Tu as raison le yaniro c’est plus un mouvement de jambe 😉